La Commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée Nationale du Québec vient de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 92. Déposé au mois de juin dernier, ce projet de loi déclare, entre autres choses, que « …. l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise et qui ne peuvent être appropriées, sauf dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil. »
Le problème est que, non seulement la notion de « patrimoine commun de la nation québécoise » est juridiquement floue, mais elle constitue une violation claire du droit de propriété privée au Québec.
Pour madame Line Beauchamp, la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, l'essence du projet de loi est de clarifier le statut de l'eau au Québec. Le Code civil du Québec énonce que l'eau, qu'elle soit de surface ou souterraine, est une chose commune, sous réserve des droits d'utilisation ou des droits limités d'appropriation qui peuvent être reconnus. Pourtant, si les juristes s'entendent sur le fait que l'État est le gardien des eaux de surface, comme toutes les ressources naturelles, la propriété des eaux souterraines n'est pas jusqu'à présent clairement établie. Ainsi, la jurisprudence a jusqu'à présent accordé un droit de propriété aux propriétaires fonciers sur l'eau tirée de la nappe phréatique, même si cette nappe n'est souvent pas confinée à un seul terrain ou à une seule terre.
Or ce droit de propriété privée sera supprimé si le projet de loi est adopté. Cela ne signifie pas que l'eau souterraine deviendra la propriété de l'État. Il ne s'agit donc pas d'une nationalisation de l'eau mais, dans la mesure où elle devient une ressource collective, le gouvernement en devient le « gardien au nom des intérêts de la nation québécoise ». L'exploitation de l'eau de surface ou souterraine par le secteur privé sera donc encore possible au Québec si la loi 92 est adoptée mais son activité s'exercera dorénavant sous le contrôle étroit et le pouvoir arbitraire de l'État.
Le pouvoir de réglementation et le régime d'autorisations qui lui est associé pour les prélèvements d'eau de 75 000 litres ou plus par jour, soit l'équivalent de deux piscines hors terre, pourrait aisément amener à une dérive bureaucratique. Ainsi le projet de loi donne-t-il au ministre le pouvoir de : « …refuser la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation de prélèvement, ou en modifier les conditions de sa propre initiative, s'il est d'avis que ce refus ou cette modification sert l'intérêt public. » Dans ses commentaires concernant le Projet de loi 92, le Barreau du Québec souligne le fait que : « Le pouvoir discrétionnaire attribué par l'article 31.79 est exagéré et difficilement compatible avec le principe de l'égalité de tous devant la loi… »
En outre, le ministre ou le gouvernement peuvent révoquer un droit de prélèvement de l'eau de façon temporaire ou permanente sans indemnité de la part de l'État. Ce pouvoir discrétionnaire accordé au ministre repose sur le principe de précaution selon lequel il est préférable d'éviter le risque, concept nébuleux par excellence, notamment pour des raisons environnementales ou de santé publique. Le problème serait de définir le risque de manière abusive et ainsi d'interdire inutilement de nombreux comportements parfaitement légitimes. Le Barreau du Québec considère d'ailleurs que : « ….ce pouvoir extraordinaire ne devrait pas être exercé sans que le titulaire d'une autorisation révoquée soit indemnisé. En effet, nous sommes en présence d'un titulaire qui n'a commis aucun acte illégal qui se voit dépossédé d'un droit de prélèvement de l'eau qu'il a obtenu de bonne foi, en toute légalité, avec l'autorisation du ministre. »
Pour résumer, ce projet de loi permettra à l'État de s'arroger le contrôle de l'eau au nom de l'intérêt général au lieu de protéger le droit de propriété. Cette évolution est dommageable dans la mesure où la protection du droit de propriété est non seulement nécessaire pour le dynamisme de l'économie mais également pour la protection de l'environnement.
Autant d'éléments qui sont susceptibles de limiter considérablement les activités du secteur privé dans la commercialisation de l'eau au Québec ainsi que dans son utilisation dans l'industrie ou l'agriculture. Ceci est d'autant plus vrai que le projet de loi démontre clairement que le gouvernement du Québec entend favoriser une approche environnementale plutôt que commerciale, ce qui risque de pénaliser les entrepreneurs.
À terme, nous serons pourtant tous confrontés à une vérité simple qui est que seules les forces du marché nous permettrons de connaître le « vrai » prix de l'eau. Et c'est uniquement ce « vrai » prix qui nous permettra d'éviter le gaspillage et de savoir s'il existe une demande solvable pour nos exportations d'eau en vrac. Voilà pourquoi l'État devrait garantir le droit de propriété au lieu de l'affaiblir.
Commentary
À qui appartient l'or bleu ?
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La Commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée Nationale du Québec vient de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 92. Déposé au mois de juin dernier, ce projet de loi déclare, entre autres choses, que « …. l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise et qui ne peuvent être appropriées, sauf dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil. »
Le problème est que, non seulement la notion de « patrimoine commun de la nation québécoise » est juridiquement floue, mais elle constitue une violation claire du droit de propriété privée au Québec.
Pour madame Line Beauchamp, la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, l'essence du projet de loi est de clarifier le statut de l'eau au Québec. Le Code civil du Québec énonce que l'eau, qu'elle soit de surface ou souterraine, est une chose commune, sous réserve des droits d'utilisation ou des droits limités d'appropriation qui peuvent être reconnus. Pourtant, si les juristes s'entendent sur le fait que l'État est le gardien des eaux de surface, comme toutes les ressources naturelles, la propriété des eaux souterraines n'est pas jusqu'à présent clairement établie. Ainsi, la jurisprudence a jusqu'à présent accordé un droit de propriété aux propriétaires fonciers sur l'eau tirée de la nappe phréatique, même si cette nappe n'est souvent pas confinée à un seul terrain ou à une seule terre.
Or ce droit de propriété privée sera supprimé si le projet de loi est adopté. Cela ne signifie pas que l'eau souterraine deviendra la propriété de l'État. Il ne s'agit donc pas d'une nationalisation de l'eau mais, dans la mesure où elle devient une ressource collective, le gouvernement en devient le « gardien au nom des intérêts de la nation québécoise ». L'exploitation de l'eau de surface ou souterraine par le secteur privé sera donc encore possible au Québec si la loi 92 est adoptée mais son activité s'exercera dorénavant sous le contrôle étroit et le pouvoir arbitraire de l'État.
Le pouvoir de réglementation et le régime d'autorisations qui lui est associé pour les prélèvements d'eau de 75 000 litres ou plus par jour, soit l'équivalent de deux piscines hors terre, pourrait aisément amener à une dérive bureaucratique. Ainsi le projet de loi donne-t-il au ministre le pouvoir de : « …refuser la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation de prélèvement, ou en modifier les conditions de sa propre initiative, s'il est d'avis que ce refus ou cette modification sert l'intérêt public. » Dans ses commentaires concernant le Projet de loi 92, le Barreau du Québec souligne le fait que : « Le pouvoir discrétionnaire attribué par l'article 31.79 est exagéré et difficilement compatible avec le principe de l'égalité de tous devant la loi… »
En outre, le ministre ou le gouvernement peuvent révoquer un droit de prélèvement de l'eau de façon temporaire ou permanente sans indemnité de la part de l'État. Ce pouvoir discrétionnaire accordé au ministre repose sur le principe de précaution selon lequel il est préférable d'éviter le risque, concept nébuleux par excellence, notamment pour des raisons environnementales ou de santé publique. Le problème serait de définir le risque de manière abusive et ainsi d'interdire inutilement de nombreux comportements parfaitement légitimes. Le Barreau du Québec considère d'ailleurs que : « ….ce pouvoir extraordinaire ne devrait pas être exercé sans que le titulaire d'une autorisation révoquée soit indemnisé. En effet, nous sommes en présence d'un titulaire qui n'a commis aucun acte illégal qui se voit dépossédé d'un droit de prélèvement de l'eau qu'il a obtenu de bonne foi, en toute légalité, avec l'autorisation du ministre. »
Pour résumer, ce projet de loi permettra à l'État de s'arroger le contrôle de l'eau au nom de l'intérêt général au lieu de protéger le droit de propriété. Cette évolution est dommageable dans la mesure où la protection du droit de propriété est non seulement nécessaire pour le dynamisme de l'économie mais également pour la protection de l'environnement.
Autant d'éléments qui sont susceptibles de limiter considérablement les activités du secteur privé dans la commercialisation de l'eau au Québec ainsi que dans son utilisation dans l'industrie ou l'agriculture. Ceci est d'autant plus vrai que le projet de loi démontre clairement que le gouvernement du Québec entend favoriser une approche environnementale plutôt que commerciale, ce qui risque de pénaliser les entrepreneurs.
À terme, nous serons pourtant tous confrontés à une vérité simple qui est que seules les forces du marché nous permettrons de connaître le « vrai » prix de l'eau. Et c'est uniquement ce « vrai » prix qui nous permettra d'éviter le gaspillage et de savoir s'il existe une demande solvable pour nos exportations d'eau en vrac. Voilà pourquoi l'État devrait garantir le droit de propriété au lieu de l'affaiblir.
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Jean-François Minardi
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