La semaine dernière, la cheffe de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam, a annoncé que son gouvernement retirerait le projet de loi qui aurait sapé l’État de droit en autorisant des extraditions vers la Chine continentale. Ce projet avait déclenché trois mois de manifestations monstres dans la ville. Il est pourtant peu probable que les marches de protestation se terminent de sitôt.
Les manifestations sont désormais montées en puissance et les gens descendus dans la rue maintiennent fermement leurs autres revendications. Ils exigent notamment l’assurance d’un suffrage universel permettant aux habitants de Hongkong d’élire un dirigeant de leur choix. Si Pékin a écarté cette demande, aux yeux des Hongkongais, ce changement constitue une barrière de sécurité contre l’empiétement de leurs libertés. Compte tenu de l’évolution récente de la situation à Hongkong, nombreux sont ceux qui diront que des violations de ces libertés ont déjà eu lieu et qu’ils estiment que le changement institutionnel de 2047, année où Hongkong devrait faire partie intégrante de la Chine, est en réalité déjà en train de se produire.
Les appels en faveur d’institutions politiques plus démocratiques ne sont pas une surprise: Hongkong est loin d’être une démocratie à part entière. Le Democracy Index de 2018 de l’Economist Intelligence Unit place par exemple Hongkong au 73ème rang parmi 167 pays et territoires. À titre de comparaison, la Chine se place au 130ème rang, dans la catégorie «régime autoritaire». Les manifestations à Hongkong montrent clairement et fortement que les citoyens de Hongkong n’aspirent pas à vivre dans une autocratie. Ils se tournent à la place vers la Norvège, l’Islande et la Suède, pays dotés des démocraties les plus solides du monde, pour acquérir encore plus de droits politiques qu’ils n’en ont déjà.
Alors que les manifestations à Hongkong ne s’apaisent pas, il est devenu assez évident que la crise politique la plus controversée de la ville depuis le retour de Hongkong dans le giron du pouvoir chinois il y a plus de deux décennies ne concerne pas seulement l’exigence d’un État de droit fort et d’institutions politiques plus démocratiques, mais aussi la garantie que les libertés du peuple de Hongkong soient protégées. En Chine continentale, le système juridique est instrumentalisé afin de réduire au silence les gens qui ne soutiennent pas l’État. À Hongkong, les gens descendent dans la rue pour protester contre les tentatives du gouvernement de saper l’État de droit et d’attaquer leurs libertés.
Dans l’édition 2018 du Human Freedom Index (HFI - Indice de Liberté Humaine), mon co-auteur Ian Vásquez et moi-même rendons compte de l’érosion constante et persistante de la liberté individuelle à Hongkong depuis 2008. Les dimensions de la liberté individuelle associée à la démocratie et à la liberté politique - la liberté de la presse ainsi que la liberté d’association et la liberté de réunion - sont plus particulièrement menacées. Depuis 2008, Hongkong est passée de la 17ème à la 32ème sur 162 pays et territoires en matière de liberté individuelle dans l’IHF. À titre de comparaison, au cours de la même période, la Chine est passée de la 129ème à la 141ème place. Sur la base de ces tendances, Hongkong ressemble de moins en moins aux Pays-Bas et aux pays scandinaves - qui dominent l’aspect «liberté individuelle» de l’IHF - tandis que la Chine ressemble toujours davantage à la Libye, à l’Irak, à la Syrie ou au Yémen, les pays les moins bien classés en matière de liberté individuelle.
Enfin, les Hongkongais craignent également l’érosion de leur liberté économique, qui s’est historiquement située non seulement à un niveau bien plus élevé que celui de la Chine continentale, mais tout simplement au niveau le plus élevé au monde. Ainsi, Hongkong domine encore une fois l’indice de liberté économique du monde (Economic Freedom of the World ) qui vient juste d’être publié par l’Institut Fraser, suivi par Singapour, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, les États-Unis, l’Irlande, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et Maurice (à égalité au 9ème rang). Depuis des décennies, la population de Hongkong jouit de la plus grande liberté économique au monde. La première mesure de la liberté économique de Hongkong remonte à 1960. L’indice révèle qu’à l’époque déjà, les habitants de Hongkong jouissaient d’une plus grande liberté économique que ceux du Canada, des États-Unis, de la Suisse, de l’Allemagne et, fait intéressant, du Royaume-Uni aussi. Cela dit, la liberté économique ne garantit pas la liberté politique ou personnelle, tout comme les institutions politiques démocratiques ne garantissent pas la liberté économique ou personnelle.
Au fil des ans, pour faire de Hongkong l’une des villes chinoises continentales, la Chine est passée d’une stratégie d’«un pays, deux systèmes» à «un pays, un système». L’Empire du Milieu se rend peut-être compte aujourd’hui que cela ne se produira cependant pas, ou du moins pas avec l’approbation des habitants de Hongkong.
Commentary
Hongkong: La liberté économique ne garantit pas la liberté politique
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La semaine dernière, la cheffe de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam, a annoncé que son gouvernement retirerait le projet de loi qui aurait sapé l’État de droit en autorisant des extraditions vers la Chine continentale. Ce projet avait déclenché trois mois de manifestations monstres dans la ville. Il est pourtant peu probable que les marches de protestation se terminent de sitôt.
Les manifestations sont désormais montées en puissance et les gens descendus dans la rue maintiennent fermement leurs autres revendications. Ils exigent notamment l’assurance d’un suffrage universel permettant aux habitants de Hongkong d’élire un dirigeant de leur choix. Si Pékin a écarté cette demande, aux yeux des Hongkongais, ce changement constitue une barrière de sécurité contre l’empiétement de leurs libertés. Compte tenu de l’évolution récente de la situation à Hongkong, nombreux sont ceux qui diront que des violations de ces libertés ont déjà eu lieu et qu’ils estiment que le changement institutionnel de 2047, année où Hongkong devrait faire partie intégrante de la Chine, est en réalité déjà en train de se produire.
Les appels en faveur d’institutions politiques plus démocratiques ne sont pas une surprise: Hongkong est loin d’être une démocratie à part entière. Le Democracy Index de 2018 de l’Economist Intelligence Unit place par exemple Hongkong au 73ème rang parmi 167 pays et territoires. À titre de comparaison, la Chine se place au 130ème rang, dans la catégorie «régime autoritaire». Les manifestations à Hongkong montrent clairement et fortement que les citoyens de Hongkong n’aspirent pas à vivre dans une autocratie. Ils se tournent à la place vers la Norvège, l’Islande et la Suède, pays dotés des démocraties les plus solides du monde, pour acquérir encore plus de droits politiques qu’ils n’en ont déjà.
Alors que les manifestations à Hongkong ne s’apaisent pas, il est devenu assez évident que la crise politique la plus controversée de la ville depuis le retour de Hongkong dans le giron du pouvoir chinois il y a plus de deux décennies ne concerne pas seulement l’exigence d’un État de droit fort et d’institutions politiques plus démocratiques, mais aussi la garantie que les libertés du peuple de Hongkong soient protégées. En Chine continentale, le système juridique est instrumentalisé afin de réduire au silence les gens qui ne soutiennent pas l’État. À Hongkong, les gens descendent dans la rue pour protester contre les tentatives du gouvernement de saper l’État de droit et d’attaquer leurs libertés.
Dans l’édition 2018 du Human Freedom Index (HFI - Indice de Liberté Humaine), mon co-auteur Ian Vásquez et moi-même rendons compte de l’érosion constante et persistante de la liberté individuelle à Hongkong depuis 2008. Les dimensions de la liberté individuelle associée à la démocratie et à la liberté politique - la liberté de la presse ainsi que la liberté d’association et la liberté de réunion - sont plus particulièrement menacées. Depuis 2008, Hongkong est passée de la 17ème à la 32ème sur 162 pays et territoires en matière de liberté individuelle dans l’IHF. À titre de comparaison, au cours de la même période, la Chine est passée de la 129ème à la 141ème place. Sur la base de ces tendances, Hongkong ressemble de moins en moins aux Pays-Bas et aux pays scandinaves - qui dominent l’aspect «liberté individuelle» de l’IHF - tandis que la Chine ressemble toujours davantage à la Libye, à l’Irak, à la Syrie ou au Yémen, les pays les moins bien classés en matière de liberté individuelle.
Enfin, les Hongkongais craignent également l’érosion de leur liberté économique, qui s’est historiquement située non seulement à un niveau bien plus élevé que celui de la Chine continentale, mais tout simplement au niveau le plus élevé au monde. Ainsi, Hongkong domine encore une fois l’indice de liberté économique du monde (Economic Freedom of the World ) qui vient juste d’être publié par l’Institut Fraser, suivi par Singapour, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, les États-Unis, l’Irlande, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et Maurice (à égalité au 9ème rang). Depuis des décennies, la population de Hongkong jouit de la plus grande liberté économique au monde. La première mesure de la liberté économique de Hongkong remonte à 1960. L’indice révèle qu’à l’époque déjà, les habitants de Hongkong jouissaient d’une plus grande liberté économique que ceux du Canada, des États-Unis, de la Suisse, de l’Allemagne et, fait intéressant, du Royaume-Uni aussi. Cela dit, la liberté économique ne garantit pas la liberté politique ou personnelle, tout comme les institutions politiques démocratiques ne garantissent pas la liberté économique ou personnelle.
Au fil des ans, pour faire de Hongkong l’une des villes chinoises continentales, la Chine est passée d’une stratégie d’«un pays, deux systèmes» à «un pays, un système». L’Empire du Milieu se rend peut-être compte aujourd’hui que cela ne se produira cependant pas, ou du moins pas avec l’approbation des habitants de Hongkong.
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Tanja Porčnik
Resident Scholar (2019-20), The Fraser Institute
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